Les textes que vous trouverez à la suite sont ceux qui, depuis le 17 mars, se sont écrits spontanément au jour le jour sur le groupe Facebook Artistes et auteurs aux alentours de Niort. Il s’agit d’un premier jet, d’une version O qui sera retravaillée ultérieurement.
Ce sont des textes en cours d’écriture.
MÉLUSINE EST FATIGUÉE
Chapitre 2
La neige avait recommencé à tomber et le vent se levait lorsque mademoiselle Lafigue sortit de la gendarmerie. Elle releva le col de son manteau et d’un pas nerveux traversa la place en direction de l’école. Le curé qui se dirigeait vers la maison de Bastien, tenant sa soutane à deux mains pour qu’elle ne s’envole pas sous les bourrasques, lui jeta un œil soupçonneux. L’institutrice détourna le regard, s’engouffra sous le préau et regagna sa classe. Le poêle qui avait été alimenté toute la journée dégageait encore un peu de chaleur et elle s’y réchauffa les mains un instant. Elle s’assit à son bureau en essuyant ses larmes, sortit une feuille de papier blanc et, d’une écriture riche de pleins et de déliés, elle commença à écrire :
Ma très chère amie,
Tu es bien la seule à qui je puisse confier ce qui s’est passé aujourd’hui. Je sais que tu es une amie fidèle et que jamais tu ne dévoileras mon secret.
Il était huit heures, les enfants rentraient en classe, j’attendais les derniers retardataires devant la grille de l’école, quand tout à coup mon cher Bastien est sorti à la porte de son auberge. Il m’a fait un petit signe de tête discret et il semble qu’alors il ait perdu connaissance. Il s’est écroulé et sa tête a heurté la marche en pierre. Sa femme est alors arrivée en hurlant, tu sais comme elle est à moitié folle. Elle criait partout avoir vu Mélusine sous la forme d’un serpent ! Je suis restée sans bouger alors que tout mon corps et mon cœur m’intimaient l’ordre de courir vers lui, de le prendre dans mes bras, de lui parler, de l’appeler, de caresser sa tête qui saignait. J’ai dû faire un effort surhumain pour ne pas bouger et continuer à accueillir mes élèves dont certaines paraissaient très choquées. Je ne sais pas comment j’ai pu terminer la journée, je n’en n’ ai plus aucun souvenir. J’étais sans nouvelles, j’imaginais le pire, et en effet le pire est arrivé. Bastien est mort.
Le soir même j’ai été convoquée à la gendarmerie parce que j’étais la seule personne adulte à avoir assisté à la scène, et depuis les gens me regardent d’un drôle d’air. Se pourrait-il que quelques-uns aient été au courant de l’amour qui nous unissait ? Je t’embrasse ma très chère amie. Pense à moi qui pleure toutes les larmes de mon corps.
Joséphine
Quelques coups discrets venaient d’être frappés à la porte et mademoiselle Lafigue se leva en soupirant pour aller ouvrir. Sur la pas de la porte, son chapeau entre les mains, se tenait le maire.
-Bonjour mademoiselle, dit -il.
-Bonjour monsieur le maire, répondit l’institutrice.
-Puis-je entrer ?
-Oui, bien sûr, excusez-moi, répondit-elle en le faisant pénétrer dans la salle de classe, accompagné d’une bourrasque de neige.
Elle referma vivement la porte et se retrancha sur l’estrade, derrière son bureau.
-Vous savez, mademoiselle, que je n’accorde que peu d’importance aux ragots mais je viens d’avoir la visite de la femme de Bastien. En plus d’être bouleversée par la mort de son mari, quoi de plus légitime quand on vit cette horreur, elle m’a dit que vous étiez bizarre le jour où on l’a trouvé mort.
– Bizarre monsieur le maire ? Mais comment ça bizarre ?
– Bizarre. Elle vous a vu juste avant la classe attendant les enfants et elle à vu votre tête…
-Ma tête ?
Mademoiselle Lafigue sentait son cœur taper dans sa poitrine. Son Bastien venait de mourir et maintenant les histoires venaient jusqu’à elle…
– Comment ça ma tête monsieur le maire ?
– Et bien, selon elle, vous cachez des choses.
Joséphine sentit ses joues chauffer, c’était sûr, ils étaient au courant. Mais qu’allait-il advenir d’elle ? Sa réputation ? Elle allait devoir quitter le pays aussi loin que possible… Et son Bastien qui n’était plus…
– Mon Dieu, que voulez-vous que je cache ? J’ai vu cet homme mort, gisant au sol. Nous nous connaissons tous ici, que voulez-vous que je vous dise ? J’étais choquée ! Qui ne le serait pas ?
– Non pour elle il y aurait autre chose…
Ça y est… Tout est fini. Ma pauvre Joséphine tout est fichu.
– Mais que voulez-vous qu’il y ait monsieur le maire ? Cette pauvre femme divague dans sa tristesse…
– C’est possible, mais elle clame haut et fort, qu’elle est sûre que vous…
Ne pas s’évanouir, ne pas s’évanouir, se répétait Joséphine au bord du chaos. Pour elle tout s’arrêtait ici. Son amour perdu, sa vie, son travail et sa réputation…. Aurait-elle même le droit de dire au-revoir aux enfants ? Et s’ils la mettaient en prison ?-
Elle est sûre que vous avez vu Mélusine mordre son mari, mademoiselle Lafigue.
– Mé…Mélusine ?
L’espace d’un instant, Joséphine sentit le sol se dérober sous ses pieds. Un instant plus tôt, elle craignait d’être bannie, ou pire, et là, Mélusine venait à son secours.
– Oui. Je suis désolé de parler de tout ça, mais elle est persuadée que, comme elle, vous avez tout vu. Je vous en conjure, il faut tout me dire.
– M… Mais… Non !
– Comment ça non ?
– Non ! Je n’ai rien vu ! J’ai juste vu son mari tomber au sol, avant que l’attroupement vienne tout cacher… Je vous assure !-
Mais il ne faut pas vous mettre dans cet état !
Joséphine les yeux fixes et l’haleine courte, vivait l’ambivalence; d’une part le soulagement de n’être pas découverte et de l’autre la douleur de revoir sans cesse tout ce sang, le sang de son Bastien.
Monsieur le maire, qui ne croyait ni aux histoires de bonnes femmes en général ni à celle de Mélusine en particulier, se sentait gêné de la voir dans cet état et de penser que cet être si fragile, pour qui il avait une attirance secrète, était aussi choqué. Il tenta de lui attraper la main pour la calmer, mais la jeune femme évita délicatement le contact.
– Bon je vais vous laisser pour l’instant. Soyez courageuse et essayez d’oublier ces images… Je reviendrai sûrement vers vous.
Il la salua d’un hochement de tête compréhensif et tourna les talons…
Malgré le froid qui s’était installé dans la salle de classe et qui avait envahi Joséphine Lafigue, celle-ci sentait la sueur perler sur son front. La sensation d’étouffer l’envahit. Elle saisit son sac et son manteau et sortit dans la cour. La neige avait cessé de tomber, le vent s’était calmé et en cette fin de journée pourtant dramatique le village semblait paisible. Quelques hommes et quelques femmes entraient et sortaient de la maison de Bastien, sans doute pour présenter leurs condoléances à la veuve. Tournant le dos à l’auberge Joséphine fit quelques pas en direction du chemin qui menait à la fontaine. En elle se réveillaient les souvenirs de sa première rencontre avec Bastien.
Elle avait accepté, et dès le premier regard échangé elle avait été troublée. Ses yeux….Oui, voilà, c’est de cela dont elle se souvenait surtout. De ce regard rieur qui disait tout, de cette joie de vivre qui habitait ce regard bleu azur, perçant qui l’avait transpercée jusqu’à l’âme.
Oui, c’est bien à ce moment-là qu’elle avait ressenti comme un trouble, un émoi, sans savoir qu’il allait dériver jusqu’à l’amour. Un amour pur, sincère, sans réflexion.-On y va madame ? avait-il demandé. Ou mademoiselle peut-être ?-Oui, pardon, s’excusa-t-elle en s’apercevant qu’elle le fixait de façon ostentatoire à la limite du gênant, et c’est mademoiselle.-Ah, parfait, alors suivez-moi s’il vous plaît mademoiselle.Pauvre Joséphine ! Maintenant elle était là, seule, assise auprès de la fontaine ! Et elle sanglotait, pleurant son amour perdu. C’est ici qu’ils se retrouvaient chaque jour lorsque les enfants avaient quitté l’école et que l’auberge s’était vidée des clients du midi en attendant ceux du soir. Chacun de son côté se dirigeait vers la clairière au bout du chemin et à chaque fois c’était le même bonheur de ces heures volées. Ils parlaient, se caressaient, s’aimaient. Elle faisait des projets d’avenir auxquels il répondait que ce ne serait pas facile mais que l’amour a raison de tout, et ils se séparaient avec la promesse de se revoir le lendemain.Elle se leva , et emprunta le sentier qu’ils avaient si souvent pris ensemble, serrant contre son cœur le petit sac à mains que Bastien lui avait offert et dont elle ne se séparait jamais. Elle dépassa la clairière, s’enfonça dans la forêt et marcha, marcha longtemps, indifférente à la nuit qui tombait. Elle dépassa le Roc Cervelle et eut une pensée pour la petite Angèle qui croyait si fort à l’existence de la fée Mélusine.
Une petite fille sortit alors de l’ombre :-Ça va, mademoiselle, lui demanda-t-elle.L’institutrice répondit avec peine que oui, oui, ça allait et elle tenta de se mettre debout, mais ses jambes ne la portaient pas et elle retomba lourdement sur le sol. Elle regarda autour d’elle et reconnut Angèle, puis elle distingua la forme d’une vieille cabane.-Mais… ou sommes-nous, balbutia-t-elle-On est chez la sorcière, répondit Angèle.-Chez la sorcière, mais qu’est-ce que tu fais là Angèle ? Il faut que je rentre chez moi, ajouta-t-elle sans attendre la réponse.-Mais vous ne pouvez pas marcher, dit Angèle. Et regardez votre pied, il est tout gonflé.Mademoiselle Lafigue jeta un regard désespéré à son pied puis au contenu de son sac qui gisait maintenant dispersé dans la neige.-S’il te plait Angèle, veux-tu bien récupérer mes affaires, il y en a un peu partout.Angèle s’exécuta et mademoiselle Lafigue remit délicatement les objets à l’intérieur. Mais soudain elle poussa un cri.-Ma petite clé, ma petite clé, je ne la vois pas, elle est perdue …, cherche bien Angèle, cherche bien… .
fraîches…

Texte mise en forme à partir des propositions de Nathalie Balière Guinot, Frédéric Orry et Marie Le Guilcher. Illustrations proposées par Angélique Morelle.
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